lundi 20 janvier 2014

épilogue et avenir pour Jean Prouvé à Gond-Pontouvre.




Bonne année 2014 à tous.
Comme ouverture à cette année que vous mettrez avec moi sous le signe de l'engagement pour le Patrimoine Moderne et Contemporain, je vous donne à lire le texte de Jacques Lafon sur les suites de l'affaire de l'école de Gond-Pontouvre.
Si le sauvetage en l'état n'est malheureusement pas accordé, on peut se réjouir malgré tout d'abord d'une mobilisation efficace et forte et ensuite d'un résultat qui ne démérite pas.
On regrettera comme trop souvent en France que ce soit dans l'urgence que de tels dossiers soient traités et que, sans une mobilisation citoyenne, rien n'aurait été possible...
C'est, sans doute, l'option politique choisie pour la gestion de notre Patrimoine.
Mais ne soyons pas amers, il reste encore de nombreux combats à mener partout et surtout, il faut dire aussi que nos institutions et les personnels qui y travaillent font ce qu'il peuvent (très souvent avec une grande énergie et beaucoup de qualités) avec les moyens qu'ils ont...
Alors que l'année 2014 soit celle du combat, celle de votre engagement.
Adhérez à des associations comme DOCOMOMO, inventez-en, signez les pétitions, faites vivre comme vous le pouvez la mémoire de vos constructions modernes et contemporaines autour de vous. Devenez des veilleurs !
C'est là, la seule vraie leçon à retenir de ce cas... d'école...
Bien à vous !

Avant l'été, nous avons écrit au maire de Gond-Pontouvre, monsieur Jean-Claude Beauchaud pour le convaincre de suspendre la démolition du groupe scolaire La Valençaude construit par les Ateliers Jean Prouvé sous la signature de l'architecte Robert Chaume. Plus de mille deux cents personnes signaient cette lettre.

Malgré tout, la pertinence de la composition de Robert Chaume n'a pas été retenue, l'école sera démontéà la fin de l'année sauf un pavillon qui sera restitué dans son authenticité patrimoniale exemplaire de l'architecture métallique industrielle.

Au début du mois de juillet, nous apprenions par La Charente Libre que la démolition de l'école La Valençaude était reportée. Notre action — les mille deux cents signataires de la pétition, les interventions de Jack Lang auprès de la ministre de la Culture et du Maire de Gond-Pontouvre — avait bouleversé la politique patrimoniale de l'État ou permis l'avancement d'un projet enfoui.

Pendant l'été, nous avons rencontré sur les conseils de madame Ségolène Royale, Présidente de la Région Poitou-Charentes, monsieur Fabrice Bonnifait, Chef du Service de l’Inventaire général du patrimoine culturel (Région Poitou-Charentes) : la Région avait alors entamé une procédure d'urgence de l’inventaire de l'école La Valençaude. Maintenant en cours, cette étude est conduite par madame Pascale Moisdon-Pouvreau, chargée de l’Étude du Patrimoine Industriel. Il s’agit d’effectuer la documentation photographique et le relevé de l’école (descriptif et dimensions), d’évaluer son état et d’estimer l’intérêt de celle-ci par rapport à l’architecture métallique et scolaire de la Région Poitou-Charentes, en particulier, les écoles coques construites par les Ateliers Jean Prouvé à Thouars (vers 1954, type Studal) et à Buxerolles (1953, coque standard, cinq classes, préau). Mais l’étude ne pourra être achevée et publiée qu'après l'accord du maire de Gond-Pontouvre, monsieur Jean-Claude Beauchaud.

Le 17 octobre 2013, monsieur Pierre Cazenave, Conservateur Régional des Monuments Historiques (Ministère de la Culture et de la Communication), nous recevait à la Direction Régionale des Affaires Culturelles, à Poitiers. La réunion s'est tenue dans le bureau de monsieur Fabrice Bonnifait qui avait organisé la rencontre à la demande de monsieur Cazenave. Le conservateur nous expliqua, avec un intérêt sincère pour l'architecture industrielle, le projet que l'État et la ville de Gond-Pontouvre suivraient désormais pour l'école La Valençaude construite par les Ateliers Jean Prouvé.

Le projet détaillé par le conservateur reprend les arguments de la pétition et les exploite plus finement avec les mots de la conservation. L'inventaire patrimonial ne doit pas être réalisé que du point de vue de l'État mais aussi, décentralisation oblige, de celui des Régions et des collectivités. L'inventaire national des œuvres de Jean Prouvé est à peu près complet mais ne tenait pas compte jusqu’à aujourd’hui des œuvres périphériques comme La Valençaude. Or celles-ci sont bien l'héritage du maître et annoncent l'industrialisation du bâtiment.

L'état actuel de La Valençaude ne permet pas son classement comme architecture authentique. La restauration de 1990 a fait trop de dégâts. Aussi l'inspection générale a choisi de ne conserver qu'un pavillon, celui au plus près de la rue de Paris, et de profiter des éléments des deux autres pour le restituer selon les normes de la restauration des édifices classés. Ainsi le pavillon pourra prétendre au label patrimoine XXe voire une protection au type de patrimoine historique (inscription puis classement). Par ailleurs, le plan masse (le geste de Robert Chaume) est conservé dans le projet de la collectivité (les maçonneries sont conservées).

L'État et la collectivité se sont entendus pour que l'État ait la maîtrise d'œuvre du démontage et de la restitution en contrepartie d'une subvention. C'est l'agence de Michel Goutal, architecte en chef des monuments historiques et inspecteur général, qui est mandaté pour le démontage et la restitution. Le démontage sera un chantier d'insertion (versant social et pédagogique, besoin fort de main-d'œuvre pour le tri en vue de la conservation ou en vue du recyclage).

Par expérience, les conservateurs savent que les édifices restaurés tombent en désuétude, voire se ruinent s'ils ne sont pas le support d'un projet qui les occupe. Une partie du projet de restitution d'un pavillon de l'école est pédagogique. Monsieur Cazenave a expliqué que cette période de la construction devrait être aussi une référence pour les filières manuelles. Les travées démontées qui ne seraient pas utilisées dans la restitution deviendraient matériel pédagogique dans les lycées et les centres de formation professionnels de la Région. Le pavillon en serait l'exemple authentique. Mais ce versant n'est pas suffisant. Il faut encore un usage qui soit davantage que tourisme patrimonial. Il y a aussi des questions techniques qui font que le pavillon restauré ne pourra pas recevoir une occupation constante telle que son premier usage scolaire. La proposition du Frac d’y faire des résidences et des expositions d'artistes serait une bonne chose mais sort du domaine de compétence du conservateur. C'est celui d'un ou des acteurs culturels, de la Région, du Département ou d'une collectivité, celle de Gond-Pontouvre ou du Grand Angoulême. Il faut, a dit le conservateur, une cohérence collective du projet (entendre un accord d'une ou plusieurs collectivités et de l'État).

Un conseil scientifique va être réuni pour contrôler la restitution du pavillon. L'État va demander à Catherine Coley et Jean Masson (un collaborateur de Jean Prouvé) d'y participer. Il est aussi envisagé, plus tard, un deuxième conseil plus culturel. Le démontage serait fini fin janvier 2014 et durerait au plus 1 mois et demi.

Pierre Cazenave estime qu'une étude thématique doit être mené sur Robert Chaume dont il reconnaît l'importance mais minimise La Valençaude dans sa carrière. Il note l'apport de Chaume dans le plan masse de La Valençaude mais considère que ce plan correspond sensiblement aux plans masse que l'on voyait dans les Architecture d'Aujourd'hui d'alors, que Chaume n'y donne pas toute sa capacité et lui préfère l'école en briques de Saint-Cybard ou une maison qu'il a faite à Royan.

Si l'on tient compte des conjonctures y compris les politiques (l'État ne voulant pas contrecarrer le projet de la collectivité ; le Maire malgré tout attentif aux problèmes patrimoniaux et acceptant un double retard de son projet), le projet conduit par le Ministère tel qu'il a été développé lors de la réunion est une solution raisonnable : un pavillon restitué dans sa pureté de conception. Bien que l'on puisse regretter la démolition des deux autres pavillons et la perte d'une unité architecturale émouvante au profit d’une authentique construction exemplaire, les leçons de Jean Prouvé entendues dans le pavillon restant corrigeraient l'oubli partiel de Robert Chaume. Si les centres de formations reprennent réellement le projet, cela serait même la continuation de l’enseignement de Jean Prouvé.

Jacques Lafon

Et voici un article sur ce démontage, merci Daniel Leclercq !