mercredi 25 juillet 2012

la porte d'Italie

éditions Yvon



















Antoine venait d'avoir son baccalauréat dans son lycée de Chartres. Il était heureux car son goût pour les langues anciennes, le grec et le latin, lui avait permis d'obtenir une mention, ce qui réjouissait sa mère qui aimait tant la civilisation latine.
Comme promis, Antoine pourrait donc cet été aller en Italie, voyage que sa mère lui offrait pour son bac.
Mais avant l'Italie et ses promesses d'une vie moins adolescente, Antoine devait faire les démarches pour s'inscrire en Faculté de lettres à Nanterre. Avec sa mère, ils prirent donc le train pour Paris. Pour Antoine c'était bien la première fois qu'il allait ainsi dans la capitale. Sa mère lui avait bien évoqué la ville puisque c'est là qu'elle vivait avec le père d'Antoine avant le décès de ce dernier survenu trop tôt sans doute.
Mais Antoine, tout en sentant l'ombre paternelle dans ces lieux, sentait surtout une immense liberté gagner tout son corps. Inconnu, ici il pourra, croyait-il, tenter d'être totalement lui-même et tout le ravissait d'une manière naïve, celle du provincial à Paris. Le métro semblait à lui seul pour Antoine une sorte de réjouissance aiguë inédite liant réseau mécanique et liberté de mouvement. On pouvait aller partout et de manière anonyme sans risquer comme en province que la boulangère vous reconnaisse ou que le sportif du lycée vous aperçoive à la sortie de la librairie. Antoine louait le métro à sa mère tout le long du cheminement souterrain, la soûlant presque de ses Oh ! de ses Ah! qui ponctuaient ici la qualité de la motrice, là les aménagements du R.E.R. Il trouvait remarquable qu'on puisse ainsi voir des œuvres d'art dans le métro. Il acheta d'ailleurs une belle série de cartes postales à Châtelet-les-Halles non pour lui mais pour Jean-Michel son ami de Chartres qui lui, devait partir pour Marseille dans une école d'architecture.

éditions Abeilles-Cartes, Rolf Walter photographe.





éditions Yvon

















éditions Yvon







































C'était bien là le seul défaut de cette nouvelle vie. Antoine pensa que Jean-Michel serait sensible à l'Art Contemporain qui décore et embellit la vie des usagers du R.E.R. Surtout la très étrange sculpture de Ilio Signori qui symbolisait la rencontre. Les deux hommes ainsi nus et dorés choquèrent un peu sa mère mais pas Antoine qui fit remarquer que la civilisation latine contient bien d'autres choses plus surprenantes.





















Antoine et sa mère aperçurent bien un type avec un appareil photographique qui faisait des clichés des lieux. Ils le regardèrent se contorsionner pour faire ses cadrages et cela, dans une expression familiale, les fit sourire tous les deux la mère et le fils, similitude que l'on retrouvait dans le choix d'un pull à col roulé pour venir à Paris. Comment pouvaient-ils penser tous les deux que ce morceau de leur vie commune, la mère et le fils, dernier moment d'ailleurs de cette histoire finirait ainsi imprimé sur des cartes postales ?

éditions Greff


































Et devant le vide des espaces entre les bâtiments de la Faculté de Nanterre, là dans ce paysage si étranger à ce qu'ils avaient connu jusqu'alors, Antoine entendit sa mère lui dire cette chose incroyable :
"Tu devrais aller en Italie avec Jean-Michel. J'avais prévu de t'y accompagner mais cela serait sûrement plus intéressant pour toi d'y aller avec ton meilleur ami. Il verra comme toi des choses importantes pour ses études et vous devez faire vos vies. Vous m'enverrez des cartes postales."

édition Abeille-Cartes, Lyna.


















Une semaine plus tard, devant l'Académie de France à Rome, sur le muret à l'ombre des arbres, Antoine et Jean-Michel signaient au dos d'une carte postale : "Nous pensons à toi ici. Voyage superbe. Bientôt de retour."


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