mercredi 15 juin 2011

les Courtillières : plusieurs histoires.

Une carte postale :


La perspective de l'avenue de la Division Leclerc est bordée d'arbres qui disent bien que les objets lointains sont plus petits que les objets proches.
Rien à faire, c'est ainsi, il ne s'agit pas d'une imprégnation culturelle mais de la réalité objective de la perspective. Il fallait bien la découvrir et non l'inventer.
Cette perspective fait aussi que l'immeuble du premier plan n'est pas en entier dans l'image alors que le suivant offre toute sa hauteur...
Mais surtout cette édition Godneff a le derrière entre deux chaises. Cette carte postale est à la fois en couleurs et en noir et blanc !
Certainement déstabilisé par la polychromie des immeubles de Emile Aillaud, l'imprimeur n'a pas su comment faire pour sortir les immeubles du gris du ciel !
Cela produit une étrange image où le vert, le jaune délavé et le bleu d'une grande pâleur n'arrivent pas bien à briser le cliché en noir et blanc.
un détail :


une carte postale :


"Immeuble très courant ici à Pantin, tout va bien, il est 10h25, je vais chercher le pain."
C'est Lucette qui nous le dit le 15 septembre 1962.
La poste de Pantin par l'intermédiaire de son cachet postal nous dit : " Pantin-Piscine moderne-eau chaude naturelle"
Le photographe des éditions Raymon cadre les immeubles de Monsieur Aillaud dans toute leur hauteur. Non, l'arbre n'est pas aussi haut que l'immeuble. Je le répète plus les objets sont loin plus ils sont petits donc par un jeu optique appelée perspective l'arbre au premier plan semble plus grand que l'immeuble derrière lui.
Là aussi la polychromie de la carte postale a bien du mal à se sortir de la polychromie du paysage urbain.
Un détail :


Une carte postale :

En octobre 1972, les éditions Lyna pour Abeilles-Cartes retrouvent l'avenue de la Division Leclerc. Finalement que raconte cette carte postale ?
Rien d'autre qu'un espace à traverser par une droite infinie qui fuit à l'horizon ?
Comme si, finalement, alors même qu'une carte postale sert à se situer, à affirmer son point d'ancrage, dire ici que la route permet de passer vite à l'ombre minuscule et à l'ombre majuscule des arbres et des immeubles.
Une carte postale :


Il s'agit d'une bien particulière carte postale puisqu'il s'agit d'une publicité pour un livre sur les Courtillières.
Le livre s'appelle aux Courtillières, Histoires singulières et exemplaires. C'est aux éditions CREAPHIS, il s'agit d'entendre les témoignages de ceux qui vivent là.
Mais que nous dit l'image qui est une photographie de Pierre Gaudin ?
Coupée en trois parties, la photographie nous offre le serpent de Monsieur Aillaud pris entre le ciel et un jardin ouvrier. Ciel et jardin à égalité, immeuble réduit à une bande dont on devine à peine la courbe.
Mettre les grands ensembles à la campagne ? Resserrer l'urbain dans un paysage bucolique ?
Faire croire à la proximité de la nature ?
Dire que, aux Courtillières, on jardine et donc définir les habitants comme étant à l'origine de cette poésie jardinière du premier plan. Dire aussi que cela finalement camoufle l'architecture ?
Dire que vivre ici au premier plan de l'image c'est diminuer le fait de vivre au deuxième plan ou que, l'un et l'autre se vivent en même temps ?
Cadrer c'est toujours mentir car c'est toujours réduire.
Alors nous pouvons nous aussi regarder :



Je peux aussi construire une fiction. Si je cherche sur Google Earth un point de vue similaire, je peux viser depuis l'avenue de la Division Leclerc à la fois les jardins ouvriers et les Courtillières. Et est-ce vraiment un hasard si mon point de vue en face à face nous offre à la fois la verdure des jardins et le panneau annonçant la "réhabilitation des Courtillières " ?
Je crois que les espaces urbains savent bien nous dire au-delà des clichés de tous types, la réalité brutale de ce qui les compose.
Dans un ouvrage à la mise en page d'une grande clarté, ensembles d'habitations économiques en Europe chez Eyrolles éditeur par Giulio Segoloni on retrouve les Courtillières. Les photographies, les plans se partagent les espaces des pages.
C'est beau : architecture, composition, photographie.
Difficile de croire que, aujourd'hui, cet ensemble soit devenu ce qu'il est.
Aurait-on le droit de dire que, parfois, la belle architecture cela se mérite ?