dimanche 16 janvier 2011

cinq années les séparent.

En 1925, Auguste Perret réalise à Grenoble cette tour :


Tout est dit sur l'image.
Lieu, année, nom de l'objet architectural, nom des architectes (ici MM. Perret frères, arch. -constr.)
On nous donne aussi le nom du photographe, Pacalet !
Cette tour extrêmement fine pour sa hauteur semble surtout une sorte de prouesse technique pour démontrer la validité du béton armé.
Son dessin rigoureux est un peu allégé par la fantaisie minimum du haut de la lanterne hésitant entre phare maritime, lampe de mineur et minaret.
Mais ce qui me séduit dans cette image au-delà de son objet architectural, c'est le vide du ciel qui fait remonter la matière du papier.
La Tour Perret ainsi isolée dans ce crème léger est comme redessinée, recomposée. Elle se libère de son environnement et sans doute cela lui offre l'opportunité de paraître plus haute, plus majesteuse.
Comme si l'éditeur et le photographe avaient compris le jeu des architectes qui, en dessinant fin avec un étage souligné d'une corniche savaient que l'œil du dessous étirerait encore et encore cette tour.
Sa solitude fait avec son dessin son ambition technique et sa beauté.
1930 à Anvers :


Tout change. Le style de construction, le type d'édition.
Ici pour nous montrer ce très beau pavillon des arts décoratifs de l'exposition internationale d'Anvers, l'éditeur Belga Phot. (Géo Potié) nous propose une véritable photographie.
Au verso, il est surtout question dans les deux langues, de l'exclusivité de l'image pour cet éditeur, seul "concessionnaire" de l'exposition.
De la construction, on ne nous dit pas le nom de l'architecte. On doit se contenter du superbe cliché mettant dans le noir brouillon et feuillu la construction à la grande pureté géométrique et abstraite.
Malgré ce dessin un rien dur et presque trop, excusez-moi, expressif de ce désir moderne, il semble pourtant que le pavillon ait parfois du mal à jouer contre ce fond noir en contre-jour.
Le bas de l'image ne permet pas par exemple de lire correctement la construction.
Finalement tout tient dans l'angle de la petite tour marquée par sa perspective quasiment en axonométrie. Du moins, on devine que le dessin devait ainsi marquer sa modernité mettant en quelque sorte tout le paquet dans l'articulation des angles !
La courbe du rez-de-chaussée venant sans doute dans un contraste formel accentuer elle aussi le plaisir des règles et des équerres.
La blancheur de quelques lignes accentuant aussi ici le dessin finit ce plaisir moderne dans lequel Joost Swarte pourrait faire circuler ses personnages.
L'architecte ? Peut-être Monsieur Stynen. Mais rien n'est moins certain.

prefab house ? En français : le préfa.

On a tous ce souvenir.
Quelque part en France, lors de nos études, de nos loisirs, nous allions dans le "préfa".
Pour ma part j'ai connu ça à l'école primaire dans la cour de laquelle avaient été posés en hâte, sous la pression démographique, deux préfabriqués pour servir de salles de classe.
Il s'agissait d'un modèle répandu que l'on voit encore parfois posé ici ou là mais dont je ne connais pas le nom.
Je vous propose aujourd'hui de regarder plusieurs modèles.
Pour le premier, finalement je ne suis pas certain qu'il s'agisse bien d'une construction de ce type mais tout y fait penser.
Regardez :



Nous sommes à Saint-Valérien dans l'Yonne grâce à des cartes postales Mage. Sur la première on voit parfaitement la Poste dont l'allure générale, sa fragilité apparente, nous laissent croire à une construction du type préfabriqué.
Mais surtout au fond de l'image on aperçoit déjà l'autre lieu de Saint-Valérien qui est la M.J.C Josette Thibault.
Et là...
Pour moi il ne fait pas de doute qu'il pourrait bien s'agir d'un préfa. D'ailleurs cela ne manque pas d'élégance et même à bien y regarder d'une certaine modernité.
Le bardage bois, les ouvertures larges, le dessin curieux du toit en voûtes, le décrochement de ce volume sur les pans et les petites ouvertures entre le toit et le socle confèrent à l'ensemble une allure encore acceptable aujourd'hui.
Malheureusement, je n'ai aucune information sur ce type de construction. Il semblerait que cet ensemble soit toujours debout !
Voici un autre exemple dont nous avions déjà vu quelques images ici :


Il s'agit de deux chalets du procédé H. Vote, siégeant à Amfreville-la-Mivoie. On pouvait, sur la route de Rouen apercevoir les maisons témoins. Tout cela a disparu mais j'ai eu le plaisir lors d'une visite à Saint-Didier-des-Bois de trouver ce modèle bien en place et superbement repeint !



Ce qui est remarquable avec ces constructions, c'est que le fabricant a utilisé la carte postale comme moyen promotionnel et au dos des cartes on trouve toutes les informations et même les plans des chalets "mignonnette" !
regardez :



Je retrouve encore dans mes cartes postales trois exemples possibles de préfa. Qui me confirmera qu'il s'agit bien de constructions de ce type ?
premier :


Le foyer des anciens à Saint-Brice-sous-Forêt dans le Val d'Oise. Une édition d'Art Yvon.
deuxième :


Centre d'accueil des Africains Noirs, Paris. Une carte de remerciement aux donateurs datée de 1965 !
troisième :


Un peu au loin, la Colonie S.N.C.F de Tal-ar-Groas en Crozon.

Dans l'extraordinaire prefab house publié par Taschen aucun de tous ces modèles n'est référencé. Encore plus absent, l'ensemble du pavillonnaire français du type Phénix. Comme si cette aventure constructive n'avait jamais eu lieu et que dans les années cinquante nous vivions tous dans du Prouvé ou que, dans les années soixante-dix nous passions nos vacances dans des bulles six coques...
Reste un superbe livre, très complet et qui me fait rêver avec son dernier exemple : une maison préfabriquée dessinée par Daniel Libeskind !
Je la veux immédiatement !




Sur la couverture vous aurez reconnu la Futuro de Suuronen que nous avons évoquée ici par exemple. (voir gare de triage)
Merci à Martine pour ce somptueux et très divertissant ouvrage. Vu son poids et sa taille, je crois que je pourrais presque en faire un petit cabanon de plage !