lundi 25 juillet 2011

l'opportunisme et le modernisme

Philippe Terrier-Hermann est un photographe.
Je crois bien le connaître puisque nous avons fait nos études à l'école régionale des Beaux-Arts de Rouen ensemble même si ce passage rouennais a disparu étrangement de son C.V.
Il n'y a pourtant rien de honteux je crois.
Aujourd'hui je vous propose de voir le travail qu'il a effectué pour le Festival Diep, travail un rien éloigné de son univers habituel.
Vous verrez que Philippe Terrier-Hermann a bien travaillé, on dirait même qu'il a fait ce travail pour ce blog, juste pour nous, comme si par un phénomène incroyable il avait avec nous, sauté dans le train en marche.
Il faut croire que, malgré la distance géographique entre Dieppe et Rouen, distance également de toute autre nature, nous soyons finalement assez proches pour que, notre intérêt pour les cartes postales d'architectures modernes nous réunisse.
Alors c'est la fête !
Merci Philippe !
On va donc pouvoir à nouveau évoquer un travail sur les cartes postales d'un artiste contemporain sur ce blog. Ils sont maintenant nombreux.
D'abord on s'arrêtera sur le choix des objets architecturaux.
Pas de doute Philippe Terrier-Hermann a parcouru la région avec l'œil de l'expert dénichant les seules icônes modernistes de Dieppe et sa région.
Il n'y a là pas de surprise et le mélange produit est celui d'un cocktail de la représentation moderniste allant des années 10 aux années 70. Très peu de constructions d'aujourd'hui, certainement pour nous dire que nous sommes passés dans le post-modernisme...
Oui.
On découvre dans cette série beaucoup d'architectures de Georges Feray. On remarque également que le photographe n'a pas privilégié un type particulier d'architectures mais a balayé l'ensemble des typologies, logements, génie civil, constructions administratives...
L'esthétique est bien celle des cartes postales, du moins de l'idée que l'on en a. Ainsi les constructions sont souvent photographiées derrière un premier plan végétal ou paysager mettant une distance, servant sans doute à jouer l'image de la carte postale qui replace au mieux son objet dans sa situation. Malheureusement, comme nous pouvons le voir sur ce blog, cet archétype de la carte postale est une idée reçue et ici elle est... bien reçue ! On a même droit souvent aux bords blancs, à un tirage couleur un rien trop vif qui tente le rapprochement avec les couleurs des modes d'impression Offset impossibles à reproduire aujourd'hui. Cela produit une coloration un rien dure qui, et ce n'est pas un compliment, ressemble au dernier ouvrage de Raymond Depardon, sur la France.
On sent également que, l'artiste a eu du mal à choisir entre une esthétique "boring postcard" volontaire, un travail à la Hans-Peter Feldmann ou à l'école allemande des Becher.
Difficile quand on est cultivé d'être un photographe "indifférent" de cartes postales et le naturel (culturel ici !) revient au galop voir au pas de charge...
Alors les vaches passent devant la maison de Le Corbusier, Le chien méchant tenu en laisse passe devant les habitations, et les petites maisons identiques de Neuville sont réunies ensemble, toutes photographiées à l'identique. Le clin d'œil à l'école allemande est là bien visible.
Reste à saisir en quoi l'objet éditorial que représente une carte postale est un objet qui dit quelque chose du modernisme. La série de 2§ cartes s'appelle tout de même "vision moderne". Ce blog évoque je crois suffisamment cette question (et y répond j'espère assez !) pour que je ne refasse pas l'histoire de ce rapport. Mais on peut par contre, puisqu'il s'agit ici d'un travail artistique évoquer la diffusion et la présentation de ces cartes postales.
Quel travail a été réalisé quant à la diffusion de ces images ?
Pourquoi le tourniquet qui singe celui des magasins de plage est à l'intérieur même d'un lieu d'art contemporain ? Pourquoi ne pas aller au bout du travail et diffuser ces cartes postales dans les tourniquets de la plage de Dieppe ?
Il faut donc que l'objet soit reconnu comme étant un objet d'art contemporain ? Stephen Shore a fait bien plus audacieux en son temps !


Dans l'école d'Arques-la-Bataille cette nouvelle édition de cartes postales est accrochée sur des panneaux de bois derrière les vitres des classes et elle est mélangée avec la collection personnelle de cartes postales anciennes de l'artiste. Comme un désir de filiation possible, comme si on allait se perdre et ne plus savoir ce qui est une œuvre d'art contemporaine ou des "vraies cartes postales".
Mais cela ne marche pas. Et ce qui est étonnant c'est que c'est bien simplement la modernité du mode d'impression qui fait jurer les cartes postales de Philippe Terrier-Hermann au milieu des anciennes. Simplement parce que leur surface colorée est immédiatement reconnaissable. Et je trouve qu'il s'agit bien là de la plus belle des conclusions à cet exercice et c'est là que pourrait bien être le vrai travail de l'artiste. Comment une simple surface imprimée dit la totalité de l'écart entre deux univers et comment notre habitude de regard, en somme notre éducation de l'œil suffisent à déjouer la stratégie contemporaine qui voudrait que tout fasse "image".
L'industrie de l'imprimerie aujourd'hui, la composition des encres, la rectitude des machines érodent les postulats sans aucun regret sans même un regard. C'est toujours plus fort le réel. Toujours.
Et ici dans cette collection de cartes postales, tout tient dans la matérialité de l'objet qui revient remettre les choses à leur place sans hésitation.
Une carte postale d'artiste ne peut pas jouer à être une carte postale d'éditeurs.
Et la force de l'art c'est justement de surgir dans des objets qui, a priori, n'en sont pas porteurs mettant ainsi à mal ceux qui pourraient croire inventer quelque chose et qui finalement ne font que... le découvrir !













Alors je me vois obligé, au sens d'une politesse que l'on rend, obligé de parler de ce travail d'édition qui participe au festival Diep, festival cette année tourné vers la question du modernisme.
Dans plusieurs lieux de la région dieppoise, des expositions sont organisées et constituent surtout l'occasion de voir des pièces du FRAC de Haute Normandie et quelques lieux étonnants.
Il se trouve que, par exemple c'est l'occasion de voir l'intérieur de l'école d'Arques-la-Bataille dont je vous avais déjà parlé ici ou également de visiter la très belle (et un rien décatie) Villa Perrotte.

Mini-musée de chaises pour enfants dans l'école d'Arques-la-Bataille.




Dans celle-ci on s'arrêtera surtout sur les pièces de Jean-Paul Berrenger et on oubliera bien vite le reste.
A Pourville, on retrouvera avec bonheur les pièces de Marc Hamandjian et la très belle vidéo Crosstalk de Paulette Phillips qui, pour moi restera de ce Festival comme la plus belle rencontre. Je sais que j'ai déjà vu cette pièce quelque part mais où.... ?


La piscine Tournesol de Bernard Schoeller se voit entourée de cabanons un rien comiques aux influences assumées de, tenez-vous bien, les bunkers, les sites d'observations astronomiques indiens, les tentes de camping "des années 70" (sic !) et les immeubles avec ascenseurs qu'il faut "humaniser"... Il y est même question d'un hommage à Rietvel et là vraiment faites la route pour aller le voir ! C'est euh... vraiment moderniste !
On peut au moins, en faisant l'ascension d'une des cabanes observer le toit de la piscine de Monsieur Schoeller et si le cœur vous en dit dormir dans les propositions des artistes. C'est au mieux joyeux et drôle. Dommage de prétendre à autre chose car tout cela dégage bien de la sympathie.
La liste des artistes de ce festival est impressionnante et je vous laisse aller sur le site pour y trouver également les informations pratiques.
Bonne visite.

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