mardi 7 juin 2011

arlequin 8

Il avait été choisi par son patron pour faire la tournée des clichés des hôtels italiens clients de l'éditeur de cartes postales.
Il avait pourtant débuté par des études d'architecture, cru fermement qu'il construirait à son tour le bâtiment idéal répondant à la fois au programme, faisant œuvre de modernité et faisant surtout image.
Il avait gardé de bons souvenirs de ses débuts, de cette époque estudiantine mais la vie avait voulu autre chose et sa passion un peu éloignée pour la photographie le rattrapa un jour sur un job d'été.
Il ferait des photographies pour les cartes postales toute une saison.
Dans ce travail finalement il trouva tout ce qu'il aimait. D'abord un déplacement permanent mais pas sans but, un goût pour l'image et la technique photographique, une grande liberté et aussi une manière de trouver l'architecture, de la plus sensible à la plus modeste.
Il était ainsi dans le monde.


Il gara sa petite mais si nerveuse Fiat devant l'Hôtel Planet de Cervinia-Breuil. Il fut d'abord un peu déçu par ce mur de béton aveugle sur lequel était apposée l'enseigne rouge de l'hôtel. Il fit le tour de la bâtisse, chercha l'angle idéal mais n'arriva pas à atténuer le contraste trop fort entre le bois orange des balcons et le bleu de la montagne. Il ne passa qu'une nuit, ne demanda pas le nom de l'architecte et repartit dès le lendemain matin en faisant sans le vouloir déraper les pneus de la Fiat.


En cette fin d'automne la neige le surprit un peu sur la route. Il devait pourtant regagner le Riky Hôtel au plus vite pour poursuivre son exploration. La neige faisait un étrange tapis bleu-gris presque comme peint à la main, laissant l'hôtel dont la façade était de bois dans un brun jaune délavé un peu agaçant.
Mais c'était beau, bien dessiné avec une certaine classe internationale. Pas d'esbroufe, pas de formalisme, juste un ensemble cohérent et moderne. Il aimait surtout le contraste entre l'entrée très aplatie et lumineuse venant jouer contre les grilles de la façade.
Cette pensée fut interrompue par l'humidité et le froid qu'il sentait monter au travers de ses Clarks toutes neuves. Cela l'amusa et il était temps de rentrer dans l'hôtel pour profiter de son intérieur.
Et si demain, il prenait le temps de louer des skis ?


Deux ans plus tard, il avait bien réussi sa vie. Il avait repris la maison d'édition de cartes postales et avait gagné beaucoup d'argent en achetant les licences des émissions de la télévision italienne. Il éditait ainsi des cartes postales, cartes d'anniversaire avec les personnages des dessins animés et des feuilletons.
La collection coquine avait également remporté un beau succès, surtout, il ne se l'expliquait pas, dans le nord de l'Italie.
Mais aujourd'hui, il avait rangé sa toute neuve Fiat Dino jaune sur le parking de l'hôtel le Panorama. Il devait y rencontrer un homme d'affaires français pour l'édition de cartes postales de l'O.R.T.F en France. Les coûts de production étant moindres en Italie, il y avait là encore le moyen de gagner de l'argent facilement.
Il ne put s'empêcher de regarder l'hôtel avec son œil de photographe d'architecture. La bâtisse n'offrait vraiment rien d'extraordinaire et les balcons très encaissés dans la façade la creusaient de manière à former un sursaut décoratif et moderne.
Il ne put que s'amuser de la tentative d'invention de forme dans la cheminée de béton.
Il ne fit pas affaires avec le français. Trop à l'image de sa DS : pompidolien.
Qu'importe ! Que la route de retour serait belle derrière le pare-brise de sa belle italienne !

PS : Mon ami Marc Hamandjian me signale à juste titre que la FIAT Dino serait bien une Osi 20 mts ! Il a raison ! Par contre, il ne dit rien sur les DS qu'il connait aussi par coeur !
Merci Marc pour ta vigilance.



1 commentaire:

Claude Lothier a dit…

Il te faudra trouver une autre carte postale de l'hôtel agrandi.