vendredi 23 juillet 2010

1 architecture postale, une histoire en mouvement...

...en mouvement oui.
Il s'agit du titre de l'exposition qui a lieu au Musée de la Poste à Paris.
L'affiche est alléchante en regroupant un regard croisé sur les constructions postales, leur histoire, leur esthétique et des regards de photographes contemporains bien connus comme le toujours excellent Stéphane Couturier.
Je vous propose quelque chose comme une sorte de prolongation de cette petite (trop petite ?) promenade dans le patrimoine de la Poste.
Ce patrimoine compte à n'en pas douter quelques chefs-d'œuvre de l'architecture mais aussi des choses très modestes qui ont su marquer le paysage au point de le nommer. Combien en France de places de la Poste, carrefours de la Poste, rues de la Poste...
Je vais en fait, faire ce que j'aurais aimer trouver dans cette exposition qui aura donc le mérite d'être un déclencheur pour cet article.
D'abord dire que de l'architecture postale à la représentation de la Poste dans les cartes postales il y avait un pas très très court à effectuer. Ce pas aurait permis de juger historiquement de la représentation de l'architecture postale par le biais d'un objet postal populaire et ainsi de porter un jugement sur l'implication de ce patrimoine dans le paysage français.
Ensuite il eût été possible dans un registre tautologique de jouer de cet acte curieux qui consiste comme mode de correspondance à envoyer une image du lieu construit pour cette correspondance. Envoyer une carte postale d'un bureau de Poste depuis ce même bureau de Poste... ce geste est d'ailleurs l'objet de convoitise de certains collectionneurs de cartes postales prenant plaisir à trouver une carte postale d'un bureau de poste affranchi et tamponné de ce même bureau...
On peut aussi se poser la question de la nécessité d'une telle image. Pourquoi donc à une époque encore récente la Poste d'une ville méritait-elle ainsi sa représentation en carte postale ? Pourquoi les éditeurs de cartes postales croyaient-ils trouver là un marché ?
Vous verrez avec ce qui suit que parfois l'architecture n'est vraiment pas le point fort de cette représentation !
Il est évident sans doute que cela signifie la très grande place accordée par les populations à ce lieu urbain qu'était un bureau de Poste dans une ville, au point, oui, qu'une représentation en était nécessaire et demandait - à moins que cela signifie également que la Poste était considérée comme une sorte d'attraction - de point fort d'une modernité, un nœud de convivialité urbaine.
Pour revenir à l'exposition, un des exemples de ce regard renouvelé sur le patrimoine architectural de la Poste était le spectaculaire cas du centre de tri postal de Nancy par Claude Prouvé. L'exposition nous montre une image en nous informant dans son cartel que le bâtiment fut sauvé in extremis.
Rien sur ce combat patrimonial, rien sur ceux qui effectivement se sont battus pour sa sauvegarde, rien sur une analyse possible de ce basculement patrimonial...
C'est injuste.
Je passerai rapidement sur la mauvaise orthographe du nom du très grand architecte René Gagès orthographié Cagès... Il méritait une attention certainement plus grande vu son ampleur.
Ne boudons pas notre plaisir et allez voir cette exposition, le bâtiment lui-même du point de vue architectural ne manque pas d'intérêt... Et la collection permanente est superbe ainsi que la petite mais jubilatoire exposition des élèves de l'Ecole Olivier de Serres.
Et le quartier est passionnant.
Comme j'ai beaucoup de choses à vous montrer je ferai deux articles.

Commençons par le commencement, le lieu de l'exposition :




Sur ces deux cartes postales on voit l'immeuble des chèques postaux. Sur la première aux éditions Yvon l'éditeur réussit à placer la Tour Eiffel sur l'horizon pour bien dire Paris. Les architectes de cet immeuble des chèques postaux sont bien nommés : messieurs J. Bukiet et J.-B. Mathon.
Mais d'où est pris ce cliché ? Depuis la Tour Montparnasse ?
Sur la seconde on voit apparaître le lieu exact où se tient l'exposition : le Musée Postal.
Il s'agit d'un entier philatélique avec timbre et cachet de la Poste à l'unisson de la carte postale. Facile à dater donc puisque le cachet de la Poste fait foi, du 21 janvier 1974 !



On remarquera surtout la façade particulièrement sculpturale de ce musée de la Poste. Je cherche dans mes guides les architectes et je trouve : André Chatelin et Charles le Maresquier.
Je m'interroge sur le premier plan de cette carte postale. S'agit-il ici aussi du jardin au pied de la Tour Montparnasse ?
Voici un cas étrange :


Il s'agit d'une carte postale informative qui signale une installation de la Direction d'Exploitation du Courrier, Boulevard Newton à Marne la Vallée.
Pas de nom d'architecte, il s'agit d'un pur produit de communication de la Poste qui ne nécessite pas d'affranchissement...
Pour ce qui est de l'architecture, on gardera surtout le jeu magnifique (!) des reflets sur la façade avec sa colonnade très officielle et sérieuse.
Maintenant la preuve que les bureaux de Poste furent l'objet d'attention des éditeurs de cartes postales il y a encore peu :


Nous sommes à Cerizay, dans les Deux-Sèvres devant... la Poste toute moderne et neuve. La Carte postale du grand éditeur Combier fut expédiée en 1998 et il semble bien que nous devons cette construction à l'architecte Jean-François Milou, Studio Milou, qui a construit beaucoup dans cette région. (merci Archiguide)
On sent une volumétrie volontaire, un rien grégaire avec un traitement de façade assez radical. On regardera surtout le traitement des ouvertures comme rentrées dans le bâtiment offrant une épaisseur défensive à la construction jouant en opposition avec l'ouverture généreuse et transparente placée dans l'un des angles de la construction, comme un "coin" débordant sur la chaussée. Tout cela est accentué par la prise de vue symétrique faisant fuir le bâtiment de manière quasi égale de gauche et de droite. La photographie est de Pierre Morisan. La carte fut expédiée depuis cette même poste pour un jeu le mot caché. La réponse était délectable... oui vraiment délectable !
Encore un effort :


Nous sommes cette fois à Bourg-Lastic (!) devant... la Poste !
N'est-elle pas étonnante cette construction ? Regardez cet étrange bandeau de béton qui s'enroule autour d'une sorte de pyramide. Il semble que cela soit un balcon, peut-être pour l'appartement situé au premier étage. C'est à la fois massif et sculptural. Là aussi comme dans le cas précédent on notera l'incroyable épaisseur des murs. Elle ne manque pas d'allure cette poste mais qui en est l'architecte ? L'éditeur Sully ne nous informe pas.
Par contre ici :


Cette très jolie et modeste Poste de Biganos nous donne par l'intermédiaire des éditions Artaud le nom des architectes : Messieurs Chaveron Jean et Philippe Bordeaux.
On dirait une villa de Royan, se jouant de l'articulation de volumes simples mais bien proportionnés, d'un jeu d'ouvertures et de matériaux bien sentis. La carte postale fut bien mise dans la boite aux lettres de cette Poste et le cachet nous offre une date et une heure : 19h15, le 23 juillet 1975...
Sur la gauche un terrain en friche et devant la poste un bien joli cyclomoteur.
Plus majestueux, presque ostentatoire : la Poste de Vichy.
L'architecte de cette beauté sobre est Monsieur Azéma qui construisit entre autres le Palais de Chaillot à Paris.
Cette poste eut certainement un grand retentissement car un nombre impressionnant de cartes postales fut édité.
Je vous en propose quelques-unes :




A noter qu'aucune ne donne le nom de l'architecte. On regardera pourtant là aussi un vrai plaisir des volumes bien marqués et soulignés, des ouvertures généreuses formant une modénature épurée et une symétrie rigoureuse donnant à la fois un caractère abstrait et très officiel à cette construction.
Cette Poste pourrait être un palais, une mairie, une préfecture. Elle dit son caractère officiel. Elle est superbe.


Vous remarquerez également la gare routière (?) magnifique bloc de béton sculpté et évidé au toit végétalisé si typique de cette période et qui fait penser à la fois aux dessin de Mallet-Stevens et à Perret.
On peut se demander raisonnablement si Monsieur Azéma n'est pas également l'architecte des chèques postaux de Lille visibles ici :


Cette carte postale des édition de l' Europe nous montre un bâtiment qui d'un point de vue formel à beaucoup à voir avec cet architecte. Une nouvelle fois on s'étonnera aujourd'hui qu'une telle édition fut possible. Qui aujourd'hui ferait une carte postale d'un tel objet architectural ?

jusqu'au 28 septembre.