dimanche 18 juillet 2010

Massy, banlieue épinglée



Une carte postale de banlieue.
Au premier plan il y aurait le grand parc et sa verdure.
Au second plan la barre d'immeubles serpentant en brisures nettes.
Des rayures blanches et noires indiqueraient un traitement de la façade en balcons filants et profonds et parfois, comme pour alléger la masse, des terrasses parfois surdimensionnées viendraient rompre l'ennui du dessin.
Une chose un rien brutale qui pourtant signe une attention architecturale.
Le mur se courberait semble-t-il pour offrir à tous une vue sur le parc comme un ultime geste de politesse à ceux qui devront vivre là.
La vue, c'est important. C'est, les coudes sur la rambarde du balcon, se mettre l'appartement dans le dos...
On rêverait à des habitants qui profitent de cet espace comme dans les pays du sud. Les mamies descendraient pour discuter avec les voisines, les enfants joueraient et respireraient le bon air, les jeunes mères promèneraient les bébés.
On serait l'architecte, l'urbaniste, le maire et aussi les habitants.
Mais non finalement personne ne descendrait.
Et pour quoi faire ?
Il y a toujours un truc bien sur TF1, les jeux vidéos sont en marche et puis il pleut bien de trop pour prendre l'habitude du parc.
Alors Elisabeth écrirait à Antoinette :
"Du milieu du béton je viens vous dire bonjour..."
"moi j'ai une bonne voisine, ça me fait plaisir de voir que les liens se créent autour de nous, la vie est si difficile..."



Dans un hasard surprenant et avec un geste rarement vu sur une carte postale, le mot difficile viendrait se poser juste à côté d'un petit trou servant à situer le hlm d'Elisabeth.
J'imagine le geste, un coup d'épingle pour percer la carte postale. Geste précis, ferme et radical. Un petit trou pour dire que je vis ici et ne pas trop marquer l'image.
Finalement un geste délicat.
Au dos à nouveau, souligner le trou d'un cercle et d'une flèche obligeant à retourner la carte postale.
J'aime tellement ce geste et sa signification. J'aime cette manière de se projeter dans une image et la conscience soudaine du lieu où l'on habite, autorisée par des éditeurs de cartes postales.
Eux savent bien cette nécessité de pouvoir se situer dans les grilles et les lignes de la banlieue.
Tout le monde connaît cette nécessité.
Ici, j'habite. Ici c'est Massy, Allée Albert Thomas. Ici je pense à vous. Ici je pense à moi vivant ici et je perce cet ici d'un coup d'épingle pour figer à jamais ce lieu.
Percé comme on perce une ampoule au pied.
Parfois ça fait un peu mal.

La carte postale est une édition Raymon non datée.

Aucun commentaire: